Vendredi 13 mai
Initialement prévu du 18 au 25 septembre 2020, ce voyage peut enfin se dérouler presque normalement (Le masque reste nécessaire !) et nous sommes tous présents au rendez-vous habituel de Gevrey-Chambertin pour un départ fixé à 7h30. Finalement, nous sommes 22, dont six clients de Jip Tours, l’une des nôtres ayant été contrainte bien malgré elle d’y renoncer. Philippe Engasser sera notre accompagnateur. Notre envol pour la Sicile est prévu à 15h40 ! La marge peut sembler excessive, mais nous sommes plusieurs à nous souvenir d’un certain « ratage » en direction du Portugal… C’est donc dûment vaccinés et masqués que nous atterrissons à Palerme, après un vol d’à peine plus de deux heures, avec un retard insignifiant, et nous nous dirigeons immédiatement vers notre premier hôtel, très confortable, mais abusivement qualifié de Palace. Nous y faisons notre première expérience culinaire sicilienne (pâtes, bien sûr, espadon et gâteau). Plus que rassasiés, nous nous hâtons vers nos chambres pour une vraie nuit bien méritée.
Samedi 14 mai
Après un petit-déjeuner plantureux, mais gâché par la médiocrité du café, indigne de l’Italie (Nous en consommerons d’excellents par la suite !), nous commençons notre circuit en inversant le programme de la journée par la visite du Dôme de Monreale. Pendant le trajet, nous bénéficions d’informations et commentaires de notre guide-conférencier, M. Jean-Paul Barreaud, intarissable sur les sujets reliant l’Art, la Bible, l’ésotérisme et … les sociétés secrètes, dont l’inévitable Mafia, qu’il nous présente d’une manière aussi précise que personnelle.
Située à 7 km de Palerme, Monreale est le siège d’un très ancien évêché et c’est tout naturellement que sa cathédrale est son principal et exceptionnel centre d’intérêt. Nous voyons d’abord le Cloître des Bénédictins et restons subjugués par la beauté des colonnes richement décorées avant d’entrer dans cette église, la Santa Maria Nuova, superposition de styles architecturaux, construite au 12ème siècle. Elle est un exemple assez rare de mélange d’art mauresque, byzantin et normand. Notre guide ne se prive pas de nous en faire remarquer les caractéristiques les plus remarquables, des curiosités, comme le sarcophage de Guillaume 1er et plus encore la tombe de notre St Louis ou plutôt de ses viscères ! Mais ce sont les nombreuses et admirables mosaïques byzantines qui nous séduisent le plus. Hélas, nos photos ne restitueront que faiblement ce que fut notre émerveillement.
L’après-midi fut consacré à la visite de Palerme, entrecoupée de nombreuses et précises anecdotes de la part de notre guide. Du car, nous pouvons voir le café fréquenté par le juge Falcone, assassiné le 23 mai 1992 sur ordre de la tristement célèbre Cosa Nostra. C’est désormais un lieu de recueillement symbolisé par un ficus qui y pousse naturellement. Nous aurons par ailleurs l’occasion de passer devant le Mémorial érigé à sa mémoire à l’endroit de l’attentat. La matinée se termine par la découverte du marché, avec, entre autres, ses poissons et ses cerises Napoléon !
La capitale de la Sicile perd des habitants, mais elle conserve d’indéniables atouts touristiques. A partir de son centre (« Quattro Conti »), nous pourrons admirer la Piazza Pretoria ou Place de la Honte quand de vertueux esprits s’offusquaient de ces statues de corps nus qu’ils ne pouvaient couvrir… Les spécialistes pourront s’attarder sur l’effet visuel procuré par les bassins ovales perçus comme autant de cercles.
La cathédrale nous donnera une nouvelle illustration du mélange des styles ; une méridienne y est marquée sur le dallage et elle abrite quelques tombes royales. Le Teatro Massimo, du 19ème siècle, impressionne par ses dimensions et son unité. La Martorana est elle aussi une église byzanto-normande, dont nous apprenons qu’elle est à l’origine des massepains (« Frutta di Martorana »), créés par des sœurs bénédictines. Le point culminant de cette visite de Palerme restera sans aucun doute le Palais des Normands (9ème siècle) et la Chapelle Palatine (12ème siècle), récemment rénovée ; partout nous envahissent peintures, sculptures et décorations.
Nous terminons cette splendide première étape un peu fatigués, mais enchantés et prenons la route pour notre prochaine destination, Cefalu, regrettant quand même de n’avoir pas pu saluer M. Barreaud selon les bons usages bourguignons… A l’hôtel, beaucoup d’entre nous se délassent autour d’un apéro très « cordial », mais notre nuit sera pour certains agitée par une soirée de mariage « hors programme ».
Dimanche 15 mai
Nous visitons Cefalu, visible de loin sur son célèbre Rocher (« Roca »), un peu frustrés de n’avoir pas barboté dans la piscine de l’hôtel, si tentante ; il est vrai que nous n’avions pas acheté des vacances de type « Club Med » ! Déçus aussi de ne pas visiter plus longtemps sa cathédrale à cause de la messe dominicale et de sa fermeture immédiatement après… Cet édifice est une véritable forteresse normande du 12ème siècle, construite par Roger II, reconnaissant d’avoir échappé à une grosse tempête. Nous en profitons pour nous accorder un moment de plaisir libre en prenant l’apéritif sur la place avant de déjeuner ; auparavant, nous avions emprunté un chemin empierré et quelque peu dangereux (une chute d’un des nôtres heureusement sans gravité) pour mieux découvrir la ville, son lavoir médiéval, ses ruelles et son port.
Nous reprenons la route, plus exactement une autoroute, et d’innombrables tunnels et ouvrages d’art, en direction de Taormine. Un superbe hôtel nous y attend ; nos chambres sont pourvues d’un balcon et bénéficient d’une vue imprenable sur l’Etna, notamment la nuit où nous voyons très distinctement une belle coulée de lave, à distance respectable cela va de soi.
Lundi 16 mai
Notre matinée est essentiellement consacrée à l’Etna. Certains escaladent courageusement à pied, tandis que d’autres se laissent tenter par un téléférique qui les amènera à 2 500 mètres. Tant mieux pour les photos, nombreuses, diverses et donc variées !
Un incident au restaurant prévu conduit Philippe à rechercher une solution de remplacement avec l’agence locale et nous déjeunons dans un magnifique endroit avant de rejoindre Taormine par des passages escarpés nécessitant un transfert dans un car plus petit. Nous pouvons voir ce site gréco-romain dans d’excellentes conditions, un Odéon tout d’abord, puis le théâtre particulièrement bien conservé, vivifié par un guide à l’enthousiasme si aveuglant qu’il en oublie de nous protéger d’un soleil par trop agressif. D’un belvédère, nous pouvons aisément deviner les côtes de la Calabre.
Mardi 17 mai
Nous nous levons assez tôt (6h), car nous ne devons pas manquer notre embarquement pour les îles éoliennes. C’est à Milazzo que nous prenons le bateau à destination de l’île Lipari, dans un mini-bus dont nous oublions rapidement l’exiguïté grâce aux beautés que chaque arrêt nous propose. La blancheur de la pierre ponce et des restes d’obsidienne subliment le paysage à plus d’un détour.
Le déjeuner n’est pas en reste et nous nous régalons d’une dorade à la sauce citronnée vraiment exquise. Au retour, nous nous arrêtons à Vulcano, rapidement, pour voir peu, mais sentir beaucoup le soufre !
Mercredi 18 mai
Sur une route entre Etna et Mer Ionienne, nous nous dirigeons vers Catane en compagnie de Felice, notre guide du jour, qui n’arrête pas de nous signaler de « petites curiosités ». Nous pouvons visiter Catane une fois de plus sous un ciel pur, son centre historique et sa cathédrale. C’est la deuxième ville de Sicile avec plus de 700 000 habitants. Nous sommes d’abord conviés à parcourir l’extraordinaire marché aux poissons, impressionnant par la quantité et la variété des victuailles, d’origine maritime ou terrestre ; c’est aussi un très bel endroit, où les couleurs envahissent les espaces, y compris au-dessus de nos têtes, car un dôme de parapluies de couleurs pastel nous protège du soleil ! La place de la cathédrale est le véritable centre de Catane, historique et vivant. Au milieu est érigée la statue en basalte de la Fontaine de l’Eléphant, symbole de la ville, qu’il est censé avoir sauvée des animaux sauvages lors de sa fondation et des éruptions de l’Etna par la suite…
La cathédrale baroque Ste Agathe a trouvé sa forme actuelle au 17ème siècle, après le tremblement de terre de 1693 qui fit 18 000 victimes, rien qu’à Catane ; elle abrite, outre le sarcophage de Bellini, le reliquaire où sont conservés les restes de la sainte martyre, qui fait l’objet d’un incroyable culte ; les festivités permettent aux siciliens de déguster le « minuzzo », pâtisserie fourrée en forme de poitrine, qui donnera l’idée de notre célèbre brioche, le St Genix! La fête religieuse du 3 au 6 février est tout simplement la 3ème du monde par ordre d’importance, rassemblant pas moins d’un million de fidèles et touristes.
Notre déjeuner nous laisse dans un état équivoque : il nous rassasie plus que de raison, mais semble interminable et nous espérons garder suffisamment de temps pour déguster le plat principal de l’après-midi, très attendu, puisqu’il s’agit de Syracuse. Chaque français connait le nom à travers la chanson interprétée par H. Salvador, mais qui sait qu’elle fut composée par un certain Bernard Dimey, un voisin de Haute-Marne (Nogent-en-Bassigny) ?
Nous sommes sur le site alors qu’il est déjà 16h, dans le parc archéologique de Néapolis et notre guide, au charmant accent de Suisse romande, nous conduit devant une étonnante grotte calcaire en forme d’oreille humaine, l’Orecchio di Dionisio, la plus connue des Latomies (carrières), à l’acoustique exceptionnelle, bien exploitée par le tyran Denys s’il faut en croire la légende ; c’est ensuite le théâtre grec du 5ème siècle avant J.C., dont les gradins ont été conçus d’un seul tenant ; malheureusement pour nous, un drap blanc cache les pierres antiques au profit du décor théâtral prévu pour la soirée ; enfin, nous nous étonnons devant l’autel de Hiéron II,
qui faisait environ 400 m2, mais dont il ne reste que les soubassements. Nous entamons alors une marche qui nous semble de plus en plus longue pour nous rendre sur la presqu’île d’Ortygie, magnifique centre historique de Syracuse, tour-à-tour grecque, romaine, byzantine, musulmane, normande, aragonaise avant d’être… italienne ! Nous avons juste le temps de penser au plus célèbre natif de la ville, Archimède, en passant devant sa statue, de longer le temple d’Apollon, avant d’atteindre la cathédrale ; si son extérieur est résolument baroque, l’intérieur garde intactes les colonnes du temple grec d’origine au-dessus duquel elle s’est posée. Ste Lucie est à Syracuse ce que Ste Agathe est à Catane ; il est facile d’imaginer le culte qui lui est ici rendu !
Nous arrivons à l’hôtel à 20h30, fourbus et enchantés de cette journée si riche.
Jeudi 19 mai
Nous avons une longue route pour arriver à Piazza Armerina et à la Villa Casale. Nous sommes dans une région agricole très fertile et avant de profiter du déjeuner dans une ferme-auberge, nous avons tout le temps d’aller admirer les mosaïques de l’opulente résidence d’un certain Maximien Hercule, co-empereur sous le règne de Dioclétien (286-305) ; après un glissement de terrain au 12ème siècle, cet ensemble de quatre groupes de bâtiments est resté enfoui sous 10 mètres de boue jusqu’en 1950 ; protégée par un toit en bois, la villa a pu garder toutes les merveilles recouvrant les sols de ses pièces.
Nos photographes se régalent ! Un petit regret : le guide italien a besoin d’une traductrice, ce qui limite son écoute.
Après le repas, nous faisons route vers Agrigente où nous arrivons à 17h30 pour… attendre la délivrance des billets d’entrée dans la Vallée des Temples où nous resterons donc trop peu de temps ; heureusement, la lumière est idéale et nous reviendrons avec de parfaits clichés. Héphaïstos, Asclépios, Héraclès, Héra, Déméter ravivent les souvenirs scolaires, mais c’est devant le bien nommé temple de la Concorde que nous nous arrêtons pour les photos de notre groupe.
Encore une journée intense ; Philippe nous en récompense à l’hôtel en nous offrant le réconfort d’un excellent Limoncello.
Vendredi 20 mai
C’est le dernier jour et les esprits se tendent de plus en plus vers les valises et l’aéroport… Cependant, il s’agit aujourd’hui encore d’une journée complète de visites. Partis à 7h30, nous atteignons Selinonte après un arrêt-dégustation bien placé avant notre retour ; il y a de la place dans les bagages pour loger miel, huile d’olive ou vin de Marsala.
Un petit train nous est bien utile pour aller d’un premier site à celui de l’Acropole, plus bas et surtout plus loin. Selinonte (ville du « selinos » = céleri) comptait plus de 100 000 habitants autrefois et on peut deviner sans risque le nombre de temples qu’elle possédait ; elle était perchée sur un promontoire, entre deux fleuves aujourd’hui disparus ; alliée selon les circonstances à Carthage ou à Syracuse, elle fut longtemps la rivale de Ségeste, qui finit par l’emporter grâce aux carthaginois, ravis de punir leur infidèle ancienne alliée. Les temples sont désignés par des lettres (A, B, G…) faute de pouvoir en connaître la destination.
Nous terminons notre voyage à Ségeste où nous arrivons à 14h30 ; nous visitons les ruines de l’Agora, le théâtre et le Stoa (Portique) et avons pour une dernière fois le loisir d’admirer le précieux témoignage de l’architecture grecque qu’est le Temple, abandonné à la postérité dans un « splendide inachèvement » ; notre guide nous montre d’ailleurs les preuves d’un travail encore en chantier au moment de l’écrasement de Ségeste par les carthaginois, l’absence de cannelures sur les colonnes et les tenons de bardage visibles sur le soubassement.
Notre aventure se termine par l’habituelle odyssée jusqu’à Gevrey, un retour d’une dizaine d’heures tout compris, dont les deux seules petites heures d’avion !
Ce voyage est une réussite et il faut en remercier tous ceux qui l’ont rendu possible, le voyagiste Jip Tours, bien sûr, mais aussi les responsables obstinés de notre section AMOPA 21, son président d’alors, M. Bernard Decaris en premier lieu et M. Daniel Demonfaucon, son successeur, notre secrétaire, Monique Dromard, qui n’a pas ménagé sa peine, ni ses coups de fil, notre trésorière, Joëlle Boileau et tous les participants si heureux de vivre ces bons moments en véritable « association ».
Texte Francis Poinsignon
Photos Jean-Claude Legras
Remerciements à Annie Poinsignon pour sa relecture