Sortie de printemps, Riquewihr, 17 mai 2019

Riquewihr, surnommée « la perle du vignoble alsacien » 

Durant le trajet, Daniel Ehret nous donne quelques informations sur l’histoire de Riquewihr. Le développement de Riquewihr remonte à l’époque romaine, comme en témoignent les vestiges d’un mur, d’une tour, ainsi que d’une tour d’observation installée par les romains aux carrefours stratégiques, alors que la culture de la vigne suppose qu’une ville fortifiée existait déjà. Le site romain est ensuite passé aux mains d’un riche propriétaire franc, nommé Richo, qui a créé le premier grand domaine viticole (Richovilla = domaine de Richo) au VIème   siècle donnant son futur nom de Riquewihr à la ville. On sait également que le site a appartenu au XIème à la famille des Eguisheim-Dabo dont est issu le pape Léon IX. En 1292, la ville devient forteresse avec les Horbourg qui font construire douves et remparts. Puis la ville fait l’objet d’une transaction entre les comtes de Horburg et le comte Ulrich de Wurtemberg. En 1397, le comte Eberhard II de Wurtemberg épouse Henriette de Montfaucon,  comtesse de Montbéliard. À la fin du XVème  siècle le comte Henri VI de Wurtemberg qui réside dans son château à Riquewihr confirme la charte de libertés concédée en 1484 sur la pression du bourgmestre et des onze échevins. Mais le véritable pouvoir reste entre les mains du comte, représenté par le bailli qui exécute les ordres en provenance de la régence de Montbéliard. Une seconde enceinte est construite en 1500 pour renforcer le système de défense. Les vignerons s’organisent en une corporation pour la première fois. En 1519, la ville passe aux mains de la puissante maison des Habsburg. C’est sous cette domination autrichienne que la ville subit en 1525 le soulèvement paysan qui embrase toute l’Europe rhénane. Puis elle fait face à la terreur de la peste en 1527. Le XVIème  siècle ramène la prospérité. On construit beaucoup ; de nombreuses maisons, aux attributs Renaissance, encore visibles aujourd’hui datent de cette époque. Les rendements des vignobles augmentent. Le style de la ville change totalement et les constructions médiévales restantes se limitent au Dolder, aux tours et aux vestiges de remparts. Assiégée, prise et pillée lors de la Guerre de Trente Ans, par les troupes de l’empereur germanique et celles du Duc de Lorraine, la ville est toutefois restaurée et consolidée au XVIIème  siècle. Bien que placée sous la protection du roi de France en 1680, Riquewihr reste une propriété des Wurtemberg-Montbéliard et à ce titre soumise aux lois de l’empire germanique. Cette ambivalence persiste jusqu’à son rattachement définitif à la France en 1796. La prospérité revient au XVIIIème  siècle sauf pour les finances du Duc de Wurtemberg qui doit emprunter une forte somme à .. Voltaire ! La ville est considérablement modifiée au XIXème  siècle, marquée par de nombreuses destructions de la ville fortifiée (seconde enceinte, porte) de l’église gothique Sainte-Marguerite et par la construction d’un Hôtel de Ville de style néo-classique et de deux nouvelles églises Sainte-Marguerite, l’une catholique, l’autre protestante. 

Au XXème  siècle,  malgré la proximité des lignes de combats et de front, Riquewihr a miraculeusement échappé aux ravages des deux  guerres mondiales, lui permettant ainsi de préserver son formidable patrimoine, alors que tant de villages alentour ont été détruits.

Ce n’est pas au Moyen-Âge où les incendies étaient tant redoutés que Riquewihr a souffert du feu mais le 1er janvier 2014 : un incendie a détruit quatre maisons des XVIe et XVIIe siècles et en a endommagé gravement quatre autres. La reconstruction à l’identique est en cours.

Daniel Ehret nous conduit pour une visite guidée qui nous permet de découvrir les richesses essentielles de la ville, assortie de commentaires toujours aussi truculents. À l’intérieur des remparts se trouve le centre piéton disposé en une rue principale, la rue du Général de Gaulle, de laquelle partent d’autres rues perpendiculaires. Au détour des ruelles pavées, on trouve de superbes maisons à colombages colorées et fleuries et de beaux détails architecturaux.

Après une esplanade ombragée par des tilleuls et par un arbre de la Liberté planté le 14 juillet 1792, rare arbre restant de l’époque révolutionnaire, nous découvrons la façade du château des princes de Wurtemberg-Montbéliard avec son superbe pignon à redans, signe de l’architecture de la Renaissance rhénane, surmonté de bois de cerf, emblème de la maison des Wurtemberg. Au pied de la façade, se tient l’autel de la liberté sur lequel ont été célébrés les cultes protestants et catholiques en l’honneur de la liberté des cultes confessionnels conquise en 1789 ; à droite gisent deux sarcophages francs découverts en 1913 à proximité de Riquewihr.

Par une ruelle à gauche on gagne la porte d’entrée du château à la base d’une tourelle, surmontée d’un bas-relief qui affiche les armoiries des Wurtemberg-Montbéliard (bois de cerf et poissons), ainsi qu’une inscription au-dessus d’un heaume et d’une corne d’abondance : « Die Stund brings End » (l’heure apporte la fin), devise des princes illustrée par personnage tenant un sablier qui symbolise la fuite du temps. Vendu comme bien national sous la Terreur en 1794, le château devient une école pendant un siècle et abrite aujourd’hui un musée consacré à l’histoire de la Poste.

Plus loin, on peut admirer le splendide portail Renaissance d’une maison en pierre avec sa date de construction : 1606, remarquable aussi par l’interruption des rampants du fronton triangulaire, détail architectural que l’on doit à l’invention de Michel-Ange. L’angle gauche du bâtiment est orné d’un oriel, avant corps typique de la Renaissance germanique. Au Moyen-Âge, l’oriel abritait un oratoire privé qui ne devait se trouver ni au-dessus, ni au-dessous d’une pièce profane.

Puis, nous découvrons l’une des plus hautes maisons à colombages d’Alsace avec ses 25 mètres, ses six étages et ses deux encorbellements, soutenus l’un par une colonne monolithique et l’autre par un corbeau en grès rose. À droite du bâtiment, le constructeur a prévu un recul pour faciliter le passage des attelages !

Continuant notre chemin, nous découvrons dans la cour privée « Au nid des cigognes » des plaques de fonte décorées de scènes bibliques issues des poêles encastrés dans les murs des Stub, un puits de 1603 équipé d’une roue en bronze, exceptionnel signe de richesse, un pressoir de 1817, puis une maison dont le colombage est entièrement en chêne et dont l’arc du portail arbore, outre la date de construction, un monogramme constitué des initiales du couple constructeur.

Plus loin, une porte de bois est surmontée par un arc en plein cintre décoré de l’emblème du boulanger : bretzel et pain. En plusieurs endroits, on admire de beaux poteaux corniers, personnages mythiques polychromes sculptés dans les angles des bâtiments, personnages de tavernier barbu tenant une cruche ou de cloutier barbu aussi portant une cotte en écailles et même … un Manneken-pis  datant de 1545 !

Plus loin, une magnifique façade d’une maison construite en 1686 évoque les débuts de l’influence du style baroque avec tous ses éléments décoratifs : des poteaux corniers sculptés, sous chaque fenêtre un croisillon aux bras incurvés en forme de chaise curule révélant que la maison appartenait à un important personnage, un gourmet, c’est-à-dire un professionnel du vin chargé de goûter le vin, d’en déterminer la qualité et de négocier la production. Les armes des Wurtemberg figurent sous une belle enseigne dessinée par Hansi, contenant une étoile qui signale que cette maison de gourmet était aussi une auberge.

Au point culminant de la ville, nous trouvons le Dolder (qui signifie « sommet » en alémanique), tour de garde appartenant à l’enceinte primitive construite en 1291, vestige du Moyen-Âge, à l’exception de son magnifique colombage côté ville. À proximité on remarque les huit maisons touchées par l’incendie de 2014. À l’extérieur de l’enceinte on aperçoit au-dessus de la porte une archère arrondie à la base pour le passage d’une couleuvrine et au fond d’une impasse la Tour des Voleurs de forme pentagonale avec un reste de muraille de 1500. Les deux vantaux de la porte et la herse sont d’origine. On voit encore un renfoncement carré qui permettait l’emboitement du pont-levis, manœuvré à l’aide de poutres et de chaines.

En empruntant la rue des Juifs, on remarque l’arc d’une porte cochère affichant les emblèmes d’un tonnelier : serre-joints et maillet.

En redescendant vers la ville, on découvre une deuxième maison de gourmet qui fut aussi une hostellerie et dont l’enseigne est un immense cerf cabré ; à droite une maison surmontée d’un bas-relief illustré d’un sujet de danse macabre et d’un texte par lequel le propriétaire  revendique son droit à bâtir sa maison selon son idée et sa fantaisie.

Notre périple dans la ville nous fait découvrir dans la rue Saint-Nicolas l’emblème du tonnelier assorti d’un petit signe du tailleur de pierre qui signait son ouvrage pour établir son salaire car il était payé à la tâche. Face à la rue du cheval, la façade d’une maison présente une saignée équipée d’une minuscule fenêtre qui permettait d’observer toute la rue sans se pencher. Dans une cour privée appelée « Adrihof », dont les bâtiments sont classés monuments historiques, une tour polygonale à fenêtres cache un escalier hélicoïdal. Un peu plus loin, la cour de Strasbourg est un bel ensemble Renaissance avec oriel, tour d’escalier, galerie, fenêtres à meneaux, porche en plein cintre et porte piétonne de style gothique. Au fond se situe l’emplacement de l’une des deux cours dîmières de Riquewihr, où l’impôt était prélevé.

Nous terminons la visite par la superbe maison Schickardt, architecte, dont la façade est classée monument historique pour son pignon à volutes, typique de l’architecture Renaissance, son splendide oriel sur deux étages, richement sculpté et surmonté d’un oculus.

Nous regagnons notre autocar pour revenir à Sélestat où nous déposons notre guide en le remerciant chaleureusement pour son accompagnement passionné et passionnant tout au long de cette matinée. 

Nous nous dirigeons alors vers notre restaurant, la petite Auberge , dans la commune du Hohwald où nous attend un déjeuner typiquement alsacien avec la traditionnelle et copieuse choucroute alsacienne abondamment garnie, précédé d’un apéritif à l’aspérule, petite fleur blanche des sous-bois, très prisée des alsaciens pour fabriquer cette boisson. 

Nous reprenons notre autocar pour aller aborder la dernière visite de notre séjour et la plus émouvante, celle du camp du Struthof, seul camp de concentration nazi situé sur le territoire français, à 50 kms au sud-ouest de Strasbourg, zone alors annexée par les nazis.